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LA LAMPE A TENEBRES : expériences poétiques
1 octobre 2014

CITATION DE ...

CITATION

"Que serions nous donc sans le secours de ce qui n’existe pas ? Peu de chose, et nos esprits bien inoccupés languiraient si les fables, les méprises, les abstractions, les croyances et les monstres, les hypothèses et les prétendus problèmes de la métaphysique ne peuplaient d’êtres et d’images sans objets nos profondeurs et nos ténèbres naturelles."

 

"Les mythes sont les âmes de nos actions et de nos amours. Nous ne pouvons agir qu’en nous mouvant vers un fantôme. Nous ne pouvons aimer que ce que nous créons.
Voilà, ma chère, presque tout mon discours à la femme sans corps dont je crains et ne hais point que vous soyez jalouse. Je vous épargne quelques phrases de grand style par quoi j’ai cru qu’il fallait consommer ces propos.

 

J’ai mis un peu de poésie aux derniers moments de ma lettre. On ne peut laisser une dame en proie à de simples idées ; il faut lui dorer les adieux. Je me suis donc laissé dire à mon inconnue que l’aurore et que le soir du temps, pareils à ceux d’une belle journée qui sont tout enchantés et illuminés de prestiges par le soleil très bas sur l’horizon, se colorent, se remplissent de miracles. Ainsi que la lumière presque rase enfante à l’œil humain des jouissances prodigieuses, le gorge de magies, de transmutations idéales, de formes énormes soutenues et développées dans l’altitude, figures d’autres mondes, séjours brûlants aux roches d’or, aux lacs trop purs, trônes, grottes errantes, enfers supérieurs, féeries ; et de même que ces hauts lieux éblouissants, ces phantasmes, ces monstres et ces déités aériennes s’analysent en vapeur et en rayonnements décomposés, – ainsi de tous les dieux et de nos idoles même abstraites : ce qui fut, ce qui sera, ce qui se forme loin de nous. Ce que demande notre esprit, les origines qu’il réclame, la suite et les dénouements dont il a soif, il se peut qu’il ne les tire et ne les subisse de soi-même ; séparé de l’expérience, isolé des contraintes que le contact direct lui impose, il engendre ce qu’il faut selon soi seul.

 

Il se rétracte en soi, il émet l’extraordinaire. Il fait jaillir de ses moindres accidents des créations surnaturelles. Dans cet état, il use de tout ce qu’il est ; un quiproquo, un malentendu, un calembour le fécondent. Il appelle sciences et arts la puissance qu’il a de donner à ses fantasmagories une précision, une durée, une consistance et jusqu’à une rigueur dont il est lui-même étonné ; accablé quelquefois !"

Paul Valéry, Petite lettre sur les mythes

 

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LA LAMPE A TENEBRES : expériences poétiques
  • "Que serions-nous donc sans le secours de ce qui n'existe pas? Peu de chose, (...) si les fables, les méprises, les abstractions, les croyances et les monstres, les hypothèses et les prétendus problèmes de la métaphysique (...) et nos ténèbres naturelles."
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